On a vite fait de passer à autre chose. En même temps, on ne va pas passer 107 ans à se lamenter sur les scores du FN aux Européennes. Les faits sont là.
Depuis hier, une autre affaire occupe les médias en dolby surround et en direct live: Bygmalion par ci, Bygmalion par là.
Je ne regarde jamais BFM mais hier, fait exprès, j'étais devant quand Jérôme Lavrilleux a vidé son sac. Le grand déballage en multiplex.
La gorge nouée, les larmes aux yeux, affaibli et sincèrement (enfin c'est ce que je pense) anéanti, le brave homme a confirmé que la gestion du compte de campagne de Nicolas Sarkozy, c'était du grand n'importe quoi.
Pour quiconque s'est une seule fois engagé dans une campagne, la bonne gestion des comptes de campagne est une préoccupation de chaque instant. A échelle municipale (très loin des brouettes de millions de Nicolas Sarkozy), tout doit être facturé clairement avant clôture du compte (quelques semaines après l'élection): de la colle pour les affiches au papier pour les impressions en passant par les soirées pizzas au QG de campagne. Tout doit être valorisé, y compris les actes gratuits. C'est le seul moyen d'avoir une compta nickel et d'être remboursé par l’État si on fait plus de 5%.
Donc hier, Jérôme Lavrilleux s'est auto-flagellé en affirmant que ni Jean-François Copé ni Nicolas Sarkozy n'était au courant du bordel organisé dans les comptes de campagne. J'avoue que j'ai un peu de mal à croire que Nicolas Sarkozy ne savait rien. J'ai encore plus de mal à croire que Jean-François Copé ne savait rien lui non plus car Jérôme Lavrilleux et lui sont comme cul et chemise. Ils sont plus que partenaires ou collègues, ils sont très proches. Et franchement, quand on voit le charisme du garçon, proche de celui d'une huître, son manque d'assurance et cette posture d'"homme de l'ombre", personne ne me fera croire que le gus agissait seul.
D'ailleurs, il affirme avoir tiré la sonnette d'alarme mais qu'il n'a pas été "entendu". Donc il était entouré d'autruches sourdes. Et Jean-François Copé, en matière de surdité, il se pose là, c'est le moins qu'on puisse dire.
Mais l'affaire Bygmalion, késaco?
Bygmalion est une boîte de communication créée en 2008 par Bastien Millot et Guy Alves, des potes à Copé. Pendant que les finances de l'UMP sombraient dans des abysses sans fond, celles de Bygmalion étaient au firmament. Ce décalage entre les comptes de l'UMP et ceux de la boîte de com' a commencé à interloquer plusieurs ténors de l'UMP.
Flash-Back
- 27 février 2014: Le Point révèle que Bygmalion aurait empoché 8 millions d'euros pour l'organisation des meetings de campagne de Sarko. Des tarifs tout à fait hallucinants et bien au-dessus de ceux habituellement pratiqués. Premiers soupçons: Jean-François Copé aurait surfacturé les prestations de ses potes.
- 14 mai 2014: Libération a eu accès aux factures de Bygmalion et affirme que l'UMP a payé 18 millions d'euros pour l'organisation de 70 événements (conventions, colloques, meetings) pendant la campagne de Sarko. Cheveu dans le potage: certaines de ces manifs n'auraient jamais eu lieu et seraient fictives.
- 26 mai 2014: Pierre Lellouche dont le nom apparaît sur une de ces factures, assure qu'il n'en a jamais entendu parler et porte plainte pour usurpation d'identité.
L'affaire de surfacturation devient donc une affaire de fausses factures. Qui dit fausses factures dit ventilation de millions d'euros. Mais pour quoi faire diantre? Hier, toujours sur BFM, l'avocat de Bygmalion confirmait l'existence de fausses factures pour la coquette somme de 10 millions d'euros.
Mais à quoi donc a bien pu servir tout ce pognon?
Trois hypothèses:
- Jean-François Copé s'en est mis plein les poches
- Frais de campagne déguisés pour Nicolas Sarkozy
- Les deux
Face à tout ce bordel, Jean-François Copé a porté plainte contre X au moment même où les locaux de l'UMP et ceux de Bygmalion étaient passés au crible par une perquisition.
- 27 mai 2014: Jean-François Copé quitte la présidence de l'UMP. Il est remplacé par de vieux barons: Alain Juppé (qui n'est pas très clean non plus, remember), Jean-Pierre Raffarin et François Fillon (qui a choisi de sabrer le champagne dans les toilettes de son bureau pour cacher sa joie).
Reste à savoir si, dans tout ce brouhaha, Nadine Morano sera entendue, elle qui réclamait en 2008 l'inéligibilité à vie pour les menteurs et les fraudeurs.